Silâamour est reconnaissance de lâautre, câest parce que lâon aime que lâon ne comble pas tout Ă fait. Câest parce que je tâaime et que je tiens Ă toi (en vie) que jâagis de façon telle que tu crois que je ne tâaime pas pourrait-on lire sous certaines dĂ©sapprobations hostiles.
16Cettephrase paraĂźt Ă premiĂšre vue complexe, sauf Ă considĂ©rer que seul lâamour permet, en effet, de passer de la jouissance â celle en question dans la souffrance, voire dans le symptĂŽme â au dĂ©sir, et que câest ce que met en Ćuvre la cure analytique. Il nous faut donc partir de ceci, que lâamour est ce qui peut donner naissance Ă une demande que la psychanalyse met au
Alorsque le don de ce que l'on a est à situer dans l'actuel, et peut se faire dans un silence complet. De plus, dans l'amour, le don est inconditionnel, à savoir qu'il n'attend rien en retour, contrairement au don de ce que à l'on a, qui obéit à la triple obligation : donner, recevoir, rendre décrite par M. Mauss.
Dans« Ophélie », Arthur Rimbaud reprend le thÚme shakespearien de la belle noyée qui a sombré dans la folie et le désespoir pour évoquer sa propre expérience de jeune poÚte. Il fait du personnage mythique d'Ophélie son double, à travers des effets de miroir et d'écho entre les trois parties du poÚme. I Sur
LaGradiva est sans doute lâexemple le plus sĂ©duisant du lien que Freud Ă©tablit entre archĂ©ologie, psychanalyse et amour. Câest en 1906 que Carl Jung conseille Ă Freud la lecture de la nouvelle de Wilhelm Jensen, La Gradiva, Fantaisie pompĂ©ienne. "Ce roman publiĂ© en 1903 raconte lâhistoire dâun archĂ©ologue, Norbert Hanold, qui tombe en adoration devant un bas-relief du musĂ©e
Lamour est bien au commencement de l'histoire de la psychanalyse, et c'est en cela que s'origine la question du transfert comme l'un de ses quatre concepts fondamentaux à partir duquel Freud, d'une part, et Lacan de l'autre vont aborder les éléments liés à la technique, mais aussi au dispositif de la cure. Autre citation à propos de l'amour : cette phrase du surréaliste André
Jai plus la grosse excitation quand je le faisais pas trop souvent avec des plan cul quand j'avais pas de meufs (tout les 3 - 4 mois)Depuis que j'ai une meuf c'est devenu quelque chose de normal
Ilsâagit dâĂ©claircir le statut de lâamour, qui ne se rĂ©duit nullement Ă une relation imaginaire ou narcissique. DĂšs la naissance, le corps est soumis Ă une objectivation par la demande maternelle. Câest contre cette objectivation que le sujet lutte grĂące Ă des mĂ©tamorphoses successives. Il sâidentifie dâabord aux objets quâil aime, mais en courant le risque constant de
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Ainsi serons-nous amenĂ©s Ă penser lâamour comme processus paradoxal oĂč se vĂ©rifie quâil y a en jeu, dans tout rapport, lâimpossible dâun deux. 1. Retranscription d'une confĂ©rence donnĂ©e en mai 2001 Ă Namur aux facultĂ©s NotreDame de la Paix Ă la demande de Jean-Pierre Lebrun. â 25 â M-CL. BOONS DeuxiĂšme remarque Lâamour est de lâordre de lâĂ©vĂ©nement. Il se rĂ©fĂšre Ă ces choses qui arrivent... » quand un homme rencontre une femme, un homme, un homme, une femme, une femme lâamour est vouĂ© au hasard de la rencontre. Comment un homme aime une femme ? » Par hasard », rĂ©pond Lacan. Sâil y a Ă©vĂ©nement, il y a surprise et ce qui fera nomination tient Ă la dĂ©claration dâamour. Le moment de la passion amoureuse, câest lâheur, du bon-heur. Du ravissement soudain. De lâextase qui vous dĂ©place et vous met dans lâĂȘtre. Câest un moment dont on peut dĂ©crire les issues mortelles, si on veut le prolonger tel Ă tout prix RomĂ©o et Juliette, Tristan et Yseult. Mais par delĂ la passion traversĂ©e, lâamour ouvre, dans la dĂ©couverte dâun manque, Ă la mise en processus infini de la vĂ©ritĂ© que la passion recĂ©lait. TroisiĂšme remarque Lâamour donne de lâĂȘtre, est don de lâĂȘtre. II vise lâĂȘtre dont le sujet manque parce quâil parle. Lâamour me fait ĂȘtre. Sâil est vrai que nous manquons dâĂȘtre du fait du langage, on peut alors soutenir la formule de Lacan lâamour est don de ce quâon nâa pas. QuatriĂšme remarque Que devient lâamour dans une conjoncture sociopolitique et idĂ©ologique soumettant nos sociĂ©tĂ©s au discours de la science, aux avancĂ©es de toutes les techniques, Ă lâĂ©conomie libĂ©rale devenue mondiale du capitalisme ? Quelles sont ses nouvelles figures, comment se recompose-t-il â car nous ne le pensons pas perdu â alors que sâinscrivent dans le devenir de nos sociĂ©tĂ©s le mouvement des femmes prenant parole et pouvoir sur et dans la scĂšne publique, alors que toutes les homosexualitĂ©s sâaffirment, que les familles se dĂ©composent et se refont vaille que vaille, que les identitĂ©s sexuelles vacillent sans se cacher, quâon assiste Ă lâĂ©rosion des coordonnĂ©es masculines comme valeurs au creux mĂȘme du dĂ©clin du patriarcat ? On a coutume de dire que le capitalisme et son idĂ©ologie de la consommation excluent lâamour on consomme et quand ça ne va plus on jette. Tout discours qui sâapparente du capitalisme laisse de cĂŽtĂ© les choses de lâamour », dit Lacan en 1972. Souvent aussi, on articule la perte de la lĂ©gitimitĂ© de lâautoritĂ© â en lâoccurrence lâautoritĂ© paternelle qui Ă©tait soutenue par lâidĂ©ologie patriarcale et ses assises dans lâamour divin â Ă une perte dâamour, si tant est que comme Freud le pose dans â 26 â La psychanalyse et la question de lâamour son mythe, lâamour sâadresse sâadressait au pĂšre quâon a tuĂ©, pĂšre dâautant plus vĂ©nĂ©rĂ© par les fils quâil Ă©tait mort du fait dâun meurtre. ttt En vĂ©ritĂ©, on est en train de changer de discours et on ne sait pas en quoi ce changement obligera la psychanalyse Ă remanier ses concepts fondamentaux. Serait-elle dans un premier temps amenĂ©e Ă changer les noms quâelle avait donnĂ©s aux fonctions logiques Ă©tablies pour le fonctionnement de la structure psychique ? On nâa pas encore les nouveaux noms, mais sous la pression du changement de discours dans nos sociĂ©tĂ©s, quelque chose vacille autour de la nomination des grands repĂšres phallus », signifiant du nom du pĂšre », ... dont la thĂ©orie psychanalytique a fait doctrine. La consĂ©quence est un changement de raison, sans doute Ă lâintĂ©rieur mĂȘme de ce changement de raison que la dĂ©couverte freudienne des lois de lâinconscient a introduit. On change de raison câest-Ă -dire on change de discours », dit Lacan en se rĂ©clamant du poĂšme de Rimbaud intitulĂ© justement Ă une raison. Du passage dâune raison Ă lâautre câest lâamour qui, dans ce poĂšme, en est le signe. Le signe quâon change de raison, câest-Ă -dire quâon change de discours » Ta tĂȘte celle dâune Raison Ă qui le poĂšme est adressĂ© se dĂ©tourne, le nouvel amour ! Ta tĂȘte se retourne, le nouvel amour ! » AprĂšs quoi Lacan pose que tout passage dâun discours Ă un autre impliquerait lâintervention du discours de la psychanalyse et, est-il soulignĂ© Je ne dis pas autre chose en disant que lâamour, câest le signe quâon change de discours ».2 Lier lâamour comme signe dâun changement de discours, au discours de la psychanalyse, serait-ce nous renvoyer Ă lâĂ©laboration de lâamour de transfert, en jeu dans toute cure ? Soit Ă la chute des idĂ©aux, de lâidĂ©alisation de lâAutre en quoi lâamour se soutenait ? Quelques repĂšres freudiens Au dĂ©part, pour Freud, le mot amour se prĂ©sente comme une nĂ©buleuse il subsume toutes les variĂ©tĂ©s de lâamour mais regroupĂ©es en un seul et mĂȘme ensemble de tendances qui invite Ă lâunion, sexuelle ou pas. Par exemple, dans Psychologie 2. J. Lacan, Le SĂ©minaire, livre XX, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 20. â 27 â M-CL. BOONS collective, il dit en vrac toutes les variĂ©tĂ©s de lâamour amour de soi-mĂȘme, amour quâon Ă©prouve pour les parents et les enfants, lâamitiĂ©, lâamour des hommes en gĂ©nĂ©ral, lâamour dâun homme pour une femme, lâattachement Ă des objets concrets et Ă des idĂ©es abstraites, etc. Tout cet agrĂ©gat aurait donc pour noyau lâunion, le dĂ©sir dâunion, lâĂ©ros freudien, et cet union trouve son sol dans la sexualitĂ©. Donc, Ă lâinstar de Platon ou de saint Paul, Freud entend conserver une conception Ă©largie de lâamour mais lui ne cĂšde jamais quand Ă son origine libidinale, câest-Ă -dire sexuelle, mĂȘme si dans la sĂ©rie des pulsions dont nous allons parler, amour et haine ont une place tout Ă fait distincte. Quâil soit de transfert ou pas, le propre de tout amour, dĂ©clare Freud, est quâil nâen existe pas qui nâait son prototype dans lâenfance. Freud lâa une fois pour toutes dĂ©montrĂ©. Il fonde essentiellement lâamour dans les premiĂšres pĂ©ripĂ©ties de la libido, dâabord auto-Ă©rotique, puis investie dans le moi pour pouvoir se dĂ©placer vers lâobjet. Le versant narcissique de ces pĂ©ripĂ©ties Ă©tablira quâon aime dans lâobjet ce que lâon est soi-mĂȘme, ce quâon a Ă©tĂ©, ce quâon voudrait ĂȘtre ; tandis que le versant anaclitique conduira Ă retrouver dans lâobjet aimĂ© un trait de la femme qui nourrissait ou un trait du pĂšre qui protĂ©geait, de lâhomme protecteur. Dans La mĂ©tapsychologie des pulsions, Freud assigne la raison de lâamour Ă lâobtention du plaisir. Si son origine est auto-Ă©rotique, câest quâil provient de lâobtention dâun plaisir dâorgane on aime son corps pour obtenir ce plaisir. Et si on aime le moi, câest dâavoir incorporĂ© lâobjet source de plaisir. Câest ainsi que lâamour devient lâexpression dâun mouvement vers lâobjet dispensateur de plaisir en se liant intimement Ă lâactivitĂ© des pulsions sexuelles ultĂ©rieures, dit Freud. Peut-on sâinterroger â non pas sur lâexistence de lâamour, il est Ă©vident quâil y a de lâamour â mais sur lâexistence possible dâun destin dâamour qui se dĂ©marquerait de ces situations fondamentales, toutes sous le sceau dâune dĂ©pendance absolue Ă lâobjet idĂ©alisĂ©, dispensateur de plaisir et/ou de soins ? En dâautres termes, est-il possible dâaimer autrement que dans la pure extension de lâamour primaire de soi ? Existe-t-il un amour qui ne serait plus soumis au diktat des premiers idĂ©aux, un amour qui se construit aprĂšs la rencontre amoureuse Ă partir de » mais hors de » ce qui fut marquĂ© dans lâenfance ? Quant Ă la haine, toujours dans le texte de Freud sur la mĂ©tapsychologie des pulsions, elle nâest pas au dĂ©part le simple contraire de lâamour. Câest pour Freud une rĂ©action plus ancienne liĂ©e aux pulsions dâun moi complĂštement narcissique qui veut se conserver, câest-Ă -dire que ce moi se purifie en rejetant hors de lui toute source de dĂ©plaisir. Et il oppose au monde des objets qui viennent le perturber un refus originaire. Vous connaissez la phrase pour nous assez fameuse Le moi- â 28 â La psychanalyse et la question de lâamour plaisir originaire veut sâintrojecter tout le bon et jeter hors de soi tout le mauvais â le mauvais, lâĂ©tranger au moi, ce qui se trouve au dehors, lui est tout dâabord identique. »3 Ce nâest donc que dans les diffĂ©rentes buts des pulsions partielles quâamour et haine paraissent se confondre. Ăa commence Ă la dĂ©voration orale peu importe la suppression de lâobjet, on lâaime, on le dĂ©vore, on le mange. Ăa se poursuit par lâemprise sadique anale de lâobjet et peu importe ici les dommages infligĂ©s Ă lâobjet. A ce niveau, la haine se trouve renforcĂ©e par une rĂ©gression de lâamour au stade sadique. Une telle rĂ©gression soutient lâĂ©rotisme et garantit, Ă©crit Freud, la continuitĂ© dâune relation amoureuse. Fait remarquable Freud parle de lâemprise sadiqueanale comme la garantie de lâĂ©rotisme et la garantie de la continuitĂ© de la relation amoureuse. Pour lui, il nây aura opposition entre amour et haine quâau niveau de lâorganisation gĂ©nitale. Ce nâest quâĂ ce niveau et aprĂšs le vol en Ă©clat des attaches oedipiennes que Freud se permet dâĂ©voquer une configuration finale de la libido quâon pourrait appeler normale. Et ce, mĂȘme sâil nây a pas dans lâargumentation freudienne, comme le souligne Lacan, de quoi soutenir une reprĂ©sentation inconsciente de la sexualitĂ© totale. Il nây a pas de tout, il nây a pas de tout dans la sexualitĂ©, il y a toujours lacune. Cette lacune â que Lacan va dĂ©cliner et qui marque le savoir inconscient â nâempĂȘche pas pour autant Freud de penser en termes de synthĂšse des pulsions partielles. DĂšs 1910, aprĂšs avoir exposĂ© les conditions de la vie amoureuse, et notamment la thĂ©orie du ravalement de lâobjet sexuel â ici dâailleurs câest toujours le partenaire fĂ©minin qui est ravalĂ© â, Freud pose quâun comportement amoureux parfaitement normal exige une rĂ©union entre le courant tendre et le courant sensuel. Ce comportement amoureux â soumis Ă un processus qui serait, selon Freud, susceptible dâĂ©voluer vers quelque normalitĂ© â se trouve mis en tension avec cette idĂ©e trĂšs insistante chez Freud selon laquelle toute passion amoureuse est assimilĂ©e Ă lâhypnose voire Ă la folie dĂ©votion extrĂȘme, attachement exclusif, soumission crĂ©dule â ce sont les formules de Freud â, la parentĂ© de lâamour Ă lâhypnose se trouve toujours rĂ©glĂ©e par la question de lâidĂ©al, par la surestimation de lâobjet mise Ă la place de lâidĂ©al. Tout ce que lâobjet fait et exige est bon et irrĂ©prochable, la soumission au jugement Ă©mis par lui immĂ©diate. Dans lâaveuglement, le silence de la critique, se trouverait pour Freud la source originelle de toute autoritĂ©. 3. S. Freud, Die Verneinung. â 29 â M-CL. BOONS Comme on le sait, câest cette modalitĂ© hypnotique de lâamour que Freud met au principe de la structuration libidinale dâune foule. Le lien hypnotique se distinguerait de la passion amoureuse en ceci quâil ne maintient pas Ă titre de but possible la satisfaction sexuelle et il se dĂ©marquerait de la foule par le nombre. Mais, en vĂ©ritĂ©, au niveau de la structure, il sâagit toujours dâun lien marquĂ© par quelque fascination. Lâun des deux partenaires sâefface, sâoffre Ă ĂȘtre absorbĂ© voire anĂ©anti, cĂ©dant toute la libido quâil avait investi dans son moi Ă lâautre placĂ© aux yeux de lâidĂ©al. Jâaimerais maintenant vous situer la question de lâamour Ă partir de la dialectique de la demande dâamour et du dĂ©sir chez Lacan. AprĂšs quoi nous verrons les variations des figures de lâamour telles que Lacan les prĂ©sente. Dialectique de la demande dâamour, du dĂ©sir et du besoin chez Lacan Câest, petit rappel, Ă partir de la nĂ©cessitĂ© implacable pour lâinfans de se mettre Ă parler, soit dâentrer dans ce monde de langage qui est lĂ de toujours, que Lacan va construire les concepts de besoin, de demande et de dĂ©sir. SommĂ© dâarticuler ou dâadresser Ă quelquâun les besoins qui lâassiĂšgent, celui que Lacan finira par nommer le parlĂȘtre, se trouve donc condamnĂ© Ă une perte dâĂȘtre, liĂ©e au devoir faire part » de ses besoins et donc Ă lâobligation de devoir passer par les lois du langage. Du coup, les besoins se dĂ©naturent, dĂ©composĂ©s quâils sont dans une fragmentation signifiante adressĂ©e Ă quelquâun. Cette fragmentation, cela peut ĂȘtre des hurlements, des cris, mais cela sâadresse et cela se fragmente. Or Lacan prend soin de distinguer toute satisfaction du besoin â la mĂšre qui va donner le lait, par exemple â et toute rĂ©ponse Ă ce qui compose la demande qui, elle, vise la prĂ©sence et lâamour, Ă tout le moins leur signe. Ainsi, Lacan essayet-il de dĂ©montrer comment sâannule la particularitĂ© de ce qui est accordĂ© au niveau du besoin pour se transmuer en une preuve dâamour. Lâenfant qui reçoit du lait parce quâil avait soif tire de cette situation oĂč un besoin est satisfait une preuve dâamour. Donc, quâĂ la demande il soit rĂ©pondu par de lâamour implique nĂ©cessairement Ă cause de la structure du langage que quelque chose ne soit pas complĂštement comblĂ©, laissant place en marge de la demande Ă un reste insaisissable â dont Lacan va faire la cause du dĂ©sir. Tout comblement de cette marge, de cet Ă©cart Ă©crase le dĂ©sir, relĂšve dâune jouissance perverse Ă moins quâil sâagisse, comme lâĂ©crit Lacan, du piĂ©tinement dâĂ©lĂ©phant dâune emprise de lâautre introduisant au fantĂŽme de sa toute-puissance. â 30 â La psychanalyse et la question de lâamour Freud, pour situer le dĂ©sir, avait Ă©voquĂ© un dĂ©calage essentiel entre la satisfaction rĂȘvĂ©e et la satisfaction obtenue. Il y avait lĂ un Ă©cart qui donnait lieu Ă la possibilitĂ© de dĂ©sirer. Lacan, pour sa part, enracine le dĂ©sir en-deçà et au-delĂ de la demande dâamour, Ă partir de ce que la demande dâamour a soustrait Ă la satisfaction du besoin. Et, dans cet Ă©cart entre la demande et ce qui, non comblĂ©, laisse place au dĂ©sir se creuse une bĂ©ance impossible Ă dire, constituant pour le sujet un point dâopacitĂ©. A la fameuse question du Che voi ?, quâest-ce que tu veux, quâest-ce que tu me veux, il nây a donc pas de rĂ©ponse dicible hors le fantasme en lequel le dĂ©sir trouve son soutien imaginaire. Câest bien lĂ ce qui signe le mode de prĂ©sence du dĂ©sir par quoi se trame au coeur des rapports humains un malentendu dĂ©cisif, ce quelque chose que la demande fait exister comme manque puisquâelle ne peut pas ĂȘtre comblĂ©e totalement. Reprenons ce qui vient dâĂȘtre dit en termes empiriques. Jâai soif. Ou plutĂŽt jâĂ©prouve un malaise dans mon corps qui, sâil nâest pas apaisĂ©, devient souffrance, augmente les tensions internes, donne le sentiment, pour le nourrisson toujours, dâune imminence imparable de la mort. Il y a pleurs et cris parce quâil faut avertir lâautre de ce mal dans le corps, que lui seul, lâautre, peut faire cesser. Il est demandĂ© Ă travers cris, larmes, poings qui se serrent, bouche qui se crispe, lâapaisement dâun besoin. Mais cet apaisement, sâil a lieu se transmue en preuve dâamour ou de haine si tant est que lâautre rĂ©el a ou nâa pas entendu, ou a interprĂ©tĂ© au moins mal, ce pourquoi il y avait hurlement et dĂ©tresse. Disons plus. A supposer quâil y ait don de lait, câest bien ce qui entoure ce don, la sonoritĂ© de la voix, la caresse, le sourire, qui fait de ce don un signe dâamour, la preuve quâon est entendu et reconnu. DĂšs lors, nous lâavons dit, câest lâamour comme signe qui est demandĂ©. Ainsi, dâĂȘtre entendue, la souffrance liĂ©e au besoin qui ne peut que se signaler fait support pour se transmuer dans la demande dâamour. Cette demande est radicale. Lacan la qualifie dâinconditionnelle. Elle sâadresse Ă lâautre comme toutepuissance de vie mais aussi de mort si tant est quâil peut ne pas rĂ©pondre. La demande dâamour comporte donc une exigence radicale que cet autre rĂ©el soit absolument au service de lâenfant, quâil soit sans intĂ©rĂȘt propre, uniquement lĂ pour lui assurer dans une sorte dâurgence vitale quâil va pouvoir continuer dâexister. Ainsi, du seul fait quâils doivent se confronter, se fragmenter dans un premier recours au signifiant, les besoins subissent une perte qui les altĂšre. Et, comme il y a toujours une incertitude liĂ©e Ă la rĂ©ponse de lâautre, ça transforme les cris en appel. Comme telle la demande de lâenfant ne peut pas ĂȘtre explicitement formulĂ©e lâautre rĂ©el, aimant, alertĂ©, celui que Freud qualifie dans LâEsquisse de secourable », cet autre incarnĂ© par un personnage parlant a donc Ă interprĂ©ter les cris et les gestes de son enfant. Câest donc ce personnage qui subvient aux besoins et qui aime â 31 â M-CL. BOONS cet enfant, Ă moins quâil en fasse un pur objet de jouissance ou le rejette sans lâentendre, câest cet autre parlant qui conditionne lâAutre comme lieu psychique inconscient. En effet, lâAutre rĂ©el, lâAutre incarnĂ©, agit avec son corps et avec des mots pour rĂ©pondre aux cris de lâenfant. Autrement dit, ce qui fait rĂ©ponse vĂ©hicule les signifiants de cet Autre. Câest donc Ă partir des signifiants de lâAutre que se produit ce lieu psychique oĂč les signes de la perception qui font trace sâenregistrent, sâinscrivent et sâorganisent en chaĂźne signifiante. La dimension symbolique de lâamour Je voudrais parler de la dimension symbolique de lâamour en posant la question de savoir si lâamour sâarticule au surgissement dâun sujet, câest-Ă -dire Ă son inscription dans la chaĂźne signifiante et Ă la mise en circuit dâune dialectique du sens et du non-sens. Que lâamour fasse piĂšce au hors sens de la mort, Ă son rĂ©el, nâest-ce pas ce qui introduit la formule lacanienne du tout sens est religieux » ? En tout cas la religion chrĂ©tienne pose le lien dâamour entre pĂšre et fils comme paradigme de la victoire sur la mort. Et dans la doctrine freudienne, la forme supĂ©rieure de lâamour vise le pĂšre dans lâaprĂšs-coup du meurtre fondateur dâune loi permettant la coexistence des fils. Si par ailleurs on se tourne du cĂŽtĂ© de lâendeuillĂ© qui est confrontĂ© soudain Ă la mort dâun proche, par exemple, la mort absurde dâun proche, que constate-t-on ? Quâil y a en quelque sorte deux grands pĂŽles qui vont pouvoir lâaider Ă traverser cette Ă©preuve radicale et Ă retrouver des capacitĂ©s symboliques menacĂ©es par la mort du proche. Dâun cĂŽtĂ©, on pourrait dire quâil y a lâĂ©criture et toutes les activitĂ©s qui sây apparentent. Mais de lâautre, si lâendeuillĂ© ne devient pas un mĂ©lancolique qui se replie complĂštement sur sa douleur, lâaffection, lâamitiĂ© attentive, tous les affects et les conduites qui sont apparentĂ©s au registre de lâamour lui servent Ă vivre son deuil. Si vous entendez la demande dâamour des mourants qui luttent contre la mort, mĂȘme si la plus tendre prĂ©sence ne peut que laisser mourir et donc dans un certain sens laisser Ă sa mort celui qui sâen va, il y a lĂ plus quâun pur phĂ©nomĂšne imaginaire, il y a une intervention symbolique faisant rempart Ă lâobscure menace du rĂ©el en jeu dans toute mort. Songeons enfin Ă la sĂ©curitĂ©, Ă cette force quâun certain amour de la mĂšre assure Ă son enfant. Je dis un certain amour parce quâil sâagit que la mĂšre puisse dans son amour de lâenfant donner une place Ă la fonction du pĂšre qui reprĂ©sente la loi et donc fait vivre quelque chose de lâordre de lâinterdit. Mais si elle lâaime comme ça, il y a une force et une sĂ©curitĂ© dans lâenfant qui est tout Ă fait repĂ©rable. Et câest ce qui confĂšre Ă lâenfant, au creux mĂȘme de sa demande Ă lui, le pouvoir de symboliser lâabsence de sa mĂšre il sait quâil est aimĂ©. â 32 â La psychanalyse et la question de lâamour Ce pouvoir symbolique confĂ©rĂ© par lâamour ne peut opĂ©rer que sâil sâinscrit dans le manque immanent Ă la demande ouvrant Ă lâenfant une possibilitĂ© de dĂ©sirer. Un enfant aimĂ© est un enfant approuvĂ©, reconnu dans sa diffĂ©rence et dans son ĂȘtre selon le pur Ă©loge de qui lâaccompagne, le regarde vivre et dĂ©couvrir le monde, le soulĂšve dans ses bras et lui sourit. Pour que cet amour ne cesse pas, lâenfant, lui, sâidentifie au signifiant qui a Ă©tĂ© produit par le dĂ©sir de lâAutre. Lacan parle Ă cet Ă©gard dâun trait unaire. Ici lâon touche au plus prĂšs Ă la fonction symbolique de lâamour grĂące Ă quoi lâinfans sâinscrit dans la chaĂźne signifiante. A ce trait unaire, venu de lâAutre â trait idĂ©al, qui lâidentifie et lâaliĂšne â, il va se soumettre pour perpĂ©tuer cet amour primaire de celui dont il attend lâĂȘtre au moment oĂč justement il est en train dâen manquer parce quâil est condamnĂ© Ă sâinscrire dans le signifiant. Mais il y a plus. Il y a quâinscrit et reconnu, placĂ©, lâenfant peut se rapporter Ă une image de lui aimable. Il peut sâaimer, se dĂ©couvrir dans le miroir oĂč apparaĂźt une image unifiĂ©e dâun corps encore en proie au dĂ©sordre des pulsions le propre rapport de lâenfant Ă son image est quelque chose qui est sous-tendu par lâamour de la mĂšre, par un certain amour que la mĂšre peut donner. Mais pour des raisons de lĂ©sions dans la structure, le rapport au miroir peut se figer, se fixer. On entre dĂšs lors dans le carrousel purement imaginaire du lien amoureux porteur de toutes les dĂ©rives destructrices que le seul narcissisme alimente. Lâamour relĂšve de la structure narcissique. On aime dâabord soi. Mais il faut distinguer les dĂ©rives pathologiques de cette structure narcissique. A purement se mirer et aimer soi dans lâautre devenu support dâune image, il se crĂ©e un lien transitif oĂč lâautre devient moi, moi lâautre. » Ainsi en parlait Lacan en 1962 dans son sĂ©minaire sur Le Transfert. Si lâautre nâest pas autre chose que celui qui me renvoie mon image, je suis lui, en effet, rien dâautre puisque je me vois ĂȘtre en lui. LittĂ©ralement, je suis cet autre et sâil existe lui aussi se voit Ă ma place. Comment savoir si ce que je me vois ĂȘtre lĂ -bas nâest pas tout ce dont il sâagit puisquâen somme lâautre, ce miroir, il nous suffit de le supposer lui â ce miroir dĂ©vorant â pour concevoir que lui en voit tout autant et que quand je le regarde, câest lui en moi qui se regarde et se voit Ă la place que jâoccupe en lui. » Dans cette une confusion entre le moi et lâautre, une bataille pour la maĂźtrise fait rage car lâautre en qui je crois voir mon image et dont je fais mon double sera dâun mĂȘme mouvement constituĂ© en une figure dâautoritĂ© et de pouvoir Ă laquelle je me voue mais dans la concurrence duelle, la concurrence mortifĂšre, lâagressivitĂ© destructrice si tant est que je me veuille Ă sa place. Enfer oĂč le couple amoureux ici livrĂ© aux seuls mirages narcissiques, Ă la haine et Ă ses ravages sâavĂšre vouĂ© au tourment. Dans un tel couple lâamour se fixe Ă lâillusion de la complĂ©tude, de lâunitĂ©, du tout. DĂšs lors lâau-delĂ de la loi de toute grande passion dĂ©gĂ©nĂšre en une â 33 â M-CL. BOONS loi rĂ©elle exercĂ©e par un des deux partenaires sur lâautre. Manoeuvre dâautant plus fascinante et funeste que lâun qui fait la loi sur lâautre peut se parer de la transcendance de lâamour Ă lâĂ©gard de toute loi pour imposer en vĂ©ritĂ© ce quâil veut et ce quâil dĂ©cide. Je vous en donne un exemple. Un adolescent entretient avec son frĂšre aĂźnĂ© une relation de type amoureux. Un jour lâaĂźnĂ© dit au petit Viens me chercher vendredi Ă six heures. Nous partirons ensemble passer le week-end Ă la campagne. » A lâheure dite, il nây avait personne. Le petit frĂšre place un mot sur la porte Je tâattends au cafĂ© du coin. » Il attend plusieurs heures et retourne chez lui. Le samedi, il tĂ©lĂ©phone. Personne. Pendant trois jours aucune rĂ©ponse. Enfin, le quatriĂšme jours, le frĂšre aĂźnĂ© dĂ©croche. Et le jeune adolescent en colĂšre commence par dire Tu aurais tout de mĂȘme bien pu... » Alors lâautre lâinterrompt immĂ©diatement Tu ne vas pas tout de mĂȘme commencer Ă me faire des reproches. Tu sais bien quâon pourrait bien ne pas se voir pendant un an et on sâaimerait toujours. » On voit ici comment le frĂšre aĂźnĂ© impose sadiquement la loi de son dĂ©sir au nom dâun idĂ©al amoureux quâil invoque pour faire taire toute rĂ©volte du jeune frĂšre. Et celui-ci prĂȘt Ă Ă©clater en colĂšre se trouve pourtant muet, obligĂ© de se faire violence pour considĂ©rer avec son frĂšre aĂźnĂ© que câest la bonne maniĂšre de voir les choses On sâaimera toujours. » Câest un exemple caricatural mais il dĂ©crit la structure dâune situation amoureuse frĂ©quemment rencontrĂ©e oĂč le partenaire rĂ©el soumet Ă son propre dĂ©sir â nous dirions plutĂŽt Ă son caprice dĂ©sirant â lâautre du couple, rĂ©duit au silence de sa propre parole quâaucun relais symbolique ne vient soutenir. On est ici au plus prĂšs de ce que Lacan disait dans un texte qui sâappelle Subversion du sujet » Le dit premier dĂ©crĂšte, lĂ©gifĂšre, aphorise, est oracle, il confĂšre Ă lâautre rĂ©el son obscure autoritĂ©. » CaractĂšre obscur de lâautoritĂ©. Quelques lignes plus loin, Lacan Ă©voque le fantĂŽme de la toute-puissance non pas du sujet mais de lâautre et avec ce fantĂŽme, lâAutre, lâabsolue nĂ©cessitĂ© de son bridage par la loi. Si la loi, celle qui trouve sa consistance dans lâinscription du signifiant dit Nom-du-pĂšre » , rĂ©ussit Ă brider » cette toute-puissance qui hante lâAutre comme un fantĂŽme, alors on peut saisir que la loi puisse ĂȘtre Ă©prouvĂ©e comme un don du pĂšre symbolique. Quâelle sâorigine du dĂ©sir ou quâelle le crĂ©e â Lacan maintient lâambiguĂŻtĂ© de la question â cette loi peut ĂȘtre aimĂ©e » si tant est quâelle soutient la possibilitĂ© pour lâenfant, de sortir de lâĂȘtre de pur objet, captif de la jouissance dâun Autre, dont la toute-puissance vient donc Ă ĂȘtre bridĂ©e » par cette loi mĂȘme. Les figures de lâamour chez Lacan â 34 â La psychanalyse et la question de lâamour En 1973, prenant trois ronds de ficelle dont il ne fait pas un noeud mais une chaĂźne4, en sorte que seule la rupture du rond du milieu quâil nomme moyen » libĂšre les extrĂ©mitĂ©s quâil nomme extrĂȘmes », Lacan dĂ©cide dâassigner le Symbolique au lieu de la jouissance, le RĂ©el au lieu de la mort, et lâImaginaire, comme il lâa toujours soutenu, au registre du corps. Selon la place de moyen » quâoccupe un des trois ronds, il distingue trois grands types dâamour. Dans l'Amour courtois issu, dit-il, de lâeros antique, lâImaginaire du corps fait moyen entre le RĂ©el de la mort et le Symbolique, en charge de jouissance. Câest donc, ici, lâImaginaire du corps qui enlace, ou plutĂŽt qui tient en laisse, qui fait tenir ensemble la mort comme RĂ©el et le Symbolique en place de la jouissance. Le deuxiĂšme grand type dâamour est lâAmour divin qui expulserait lâImaginaire du corps et le dĂ©sir courtois de la place centrale, pour y Ă©tablir le Symbolique de la jouissance qui dĂšs lors attache le RĂ©el de la mort et le corps. Enfin la relĂšve contemporaine de cet amour divin introduit par le christianisme, trouverait Ă se rĂ©fugier dans lâamour masochique le RĂ©el de la mort y lierait jouissance symbolique et Imaginaire du corps. Cet amour masochique, Lacan prĂ©tend â ce jour-lĂ , le 18 dĂ©cembre 1973 â, quâil a suscitĂ© les analystes la psychanalyse hĂ©riterait du dĂ©placement du dĂ©sir induit par lâamour chrĂ©tien du pĂšre divin, Ă quoi ferait relais le masochisme. Câest justement ce dont la psychanalyse aurait Ă se corriger soit rendre possible autre chose que lâamour chrĂ©tien ou que son leg, lâamour fondĂ© dans le masochisme. Lacan, par lâimportance mĂȘme quâil accorde Ă lâinvention chrĂ©tienne de lâamour a toujours conçu la psychanalyse comme ce qui devrait y faire piĂšce, comme quelque chose qui devrait sây opposer. La victoire de lâune signerait lâĂ©chec de lâautre. Câest en somme lâune ou lâautre », dit-il. Si la religion triomphe ce sera le signe que la psychanalyse a Ă©chouĂ©. » En fait, il ajoute que la psychanalyse ne triomphera pas de la religion, que la religion est increvable. La psychanalyse ne triomphera pas, elle survivra ou pas. »5 La religion risque de lâemporter parce quâelle a cette capacitĂ© extraordinaire Ă donner du sens Ă tout ce qui nâen a pas. Il y a pour Lacan des amours qui existent et qui ne seraient jamais que des variations dâun amour relevant dâune structure soumise aux conditions singuliĂšres dâun nouage entre RĂ©el, Imaginaire et Symbolique. Ces variations sont dĂ©posĂ©es dans des Ă©crits, constituĂ©s en archives, et câest lĂ que se trame lâhistoire des formes 4. J. Lacan, Les non-dupes errent, inĂ©dit, sĂ©ance du 18 dĂ©cembre 1973. 5. Extrait dâune confĂ©rence de presse, Rome, 1974. â 35 â M-CL. BOONS de lâamour. Il Ă©crit dans les entretiens Ă Yale University Ce quâon appelle lâhistoire est lâhistoire des Ă©pidĂ©mies et il faut de lâĂ©criture car lâhistoire se fait au sujet de ce qui a Ă©tĂ© Ă©crit. Chaque tradition amoureuse, chaque âĂ©pidĂ©mieâ est créée aprĂšs coup par le rassemblement dans un nom qui, de sâĂ©crire, fait quâil y aura eu cette figure-lĂ de lâamour. Dans ce rassemblement, les comportements prescrits spĂ©cifient pour une Ă©poque, voire pour un siĂšcle, les types de liens, les pratiques amoureuses entre ceux quâon appelle les hommes et celles quâon appelle les femmes », Ă moins que ces liens ne se nouent entre lesdits hommes ou lesdites femmes, Ă moins encore quâils ne dĂ©bouchent sur lâamour du beau, du bien ou de Dieu. Le platonisme, le saphisme, lâamour courtois, lâAgapĂ© chrĂ©tienne, le pur amour fĂ©nelonien, les prĂ©cieuses, le libertinage, la vertu rĂ©volutionnaire, lâamour mystique, le romantique, celui des saint-simoniennes, la garçonne des annĂ©es folles, autant â parmi beaucoup dâautres â de configurations ou figures qui lient les partenaires de lâamour selon des codes, un type dâidĂ©al, des rĂŽles et des pouvoirs Ă chaque fois distincts. Sur chaque scĂšne, dĂ©sir et amour ont des fonctions singuliĂšres ils sâexcluent, sâĂ©vincent Ă moins quâils ne se confondent. Ainsi tout figure finalement assemblĂ©e dans une nomination â lâamour courtois », les saint-simoniennes » â constitue donc un mode singulier dâexistence de lâamour tĂ©moignant non pas dâune prĂ©tendue substance Ă©ternelle mais dâune Ă©laboration sans cesse renouvelĂ©e des figures. Certains modes de lâamour laissent des traces plus que dâautres. Ainsi, sans pour autant lĂącher la thĂšse de lâhĂ©ritage chrĂ©tien et de lâamour masochique, Lacan dira des idĂ©aux courtois quâils marquent encore les comportements amoureux de notre modernitĂ©. Et il va jusquâĂ suggĂ©rer que la distance tĂ©lĂ©visuelle ou minitellienne, ou aujourdâhui la virtualitĂ© internetienne, nâest au temps des mĂ©dia quâun sous-produit gadgĂ©tique ravalĂ© au plus bas, de la distance courtoise. Ces modes de lâamour ont des exceptions, des nuances, des pĂŽles contradictoires. Ainsi, par exemple, au sortir de la RĂ©volution française, le XIX e, bridĂ© par le code civil, tente dâenfermer les femmes et de les enserrer dans leur corset mais en mĂȘme temps on cĂ©lĂšbre les femmes les plus libres Germaine de StaĂ«l, Georges Sand, etc. Multiples formes donc, hĂ©ritages toujours diversifiĂ©s et toujours en travail, notre mĂ©moire â ou plutĂŽt notre oubli, comme dirait BorgĂšs parlant de la mĂ©moire â porte les traces des discours successifs sur lâamour. Câest bien avec ces traces que nous abordons les textes Ă©crits qui font archive. Aujourdâhui, nâĂ©crivons-nous pas lâhistoire passĂ©e de lâamour en la rĂ©inventant Ă partir dâune nouvelle raison qui nous tient, qui nous marque, celle que met en scĂšne le discours freudien relancĂ© par Lacan et celle quâannonce les change- â 36 â La psychanalyse et la question de lâamour ments en jeu dans notre sociĂ©tĂ© ? Donc, quel nouvel amour aprĂšs ce qui fut lâinconscient, plus lâexpĂ©rience de lâinconscient ? Quel nouvel amour dans notre sociĂ©tĂ© telle quâelle devient ? Ayons vis-Ă -vis du terme nouveau la plus stricte mĂ©fiance. NâempĂȘche. Lacan qui ne croit pas au progrĂšs idĂ©al ne se prive pas pour autant de suggĂ©rer en maints dĂ©tours de son enseignement des notions telles que refleurissement de lâamour », apparition de quelque chose dâautre. Et quand il Ă©crit une lettre Ă trois Italiens en 1974, il attend de ceux-lĂ qui sont responsables de la psychanalyse, quâarmĂ©s du RĂ©el et du Symbolique, ils sortent lâamour des phrases bavardes oĂč on le tient. Je pourrais multiplier les citations. Mais il y a incontestablement dans lâenseignement de Lacan une ouverture de la pensĂ©e orientĂ©e vers la nouveautĂ© dâun amour que le discours analytique induirait. Dans le processus de la cure, Lacan6 fait Ă©tat de ce moment oĂč le dĂ©sir de lâanalyste reconduit le sujet jusquâĂ ce point de diffĂ©rence originelle, du premier signifiant auquel il sâassujettit et dâoĂč surgit la signification dâun amour sans limite parce quâil est hors des limites de la loi oĂč seulement il peut tenir ». Mais cette perspective-lĂ , du fait de lâinscription dans le signifiant qui fait surgir la signification dâun amour sans limite doit tout de suite se dialectiser, sans ĂȘtre confondue, avec ce que Lacan dit quelques lignes aprĂšs quand il parle de relations viables, tempĂ©rĂ©es, nĂ©cessitant lâintervention du mĂ©dium de la mĂ©taphore paternelle. Donc dâun cĂŽtĂ©, la signification dâun amour qui ne peut ĂȘtre quâhors loi, qui se tient dans le sans-limite et qui est constituĂ© justement par lâintervention de la loi du langage, mais de lâautre il faut lâopĂ©ration paternelle pour Ă©tablir une relation viable, tempĂ©rĂ©e. Pour Lacan, ce ne peut ĂȘtre que dans la limitation originaire dont est porteuse la loi du signifiant que la valeur infinie de lâamour prend sa portĂ©e. En fin de compte ce que le discours psychanalytique, non pas promet, mais propose par le moyen de la cure, câest peut-ĂȘtre un frayage Frayer la voie, dit Lacan, Ă un refleurissement de lâamour en tant que lâa-mur, comme je lâai dit un jour en lâĂ©crivant de lâobjet petit a entre parenthĂšses, plus le mot mur, puisque lâa-mur câest ce qui le limite. »7 VoilĂ ce que Lacan propose pour renouveler lâamour. 6. J. Lacan, Le SĂ©minaire, livre XI, Les quatre Concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973, p. 247. 7. J. Lacan, Les non-dupes errent, inĂ©dit, sĂ©ance du 18 dĂ©cembre 1973. â 37 â M-CL. BOONS Comment saisir quelque chose de ce dire quâil a Ă©crit a-mur » ?8 Entre homme et femme, il y a eu lâamour. Aujourdâhui, grĂące au discours psychanalytique, il serait devenu possible de baptiser cet amour, "amur". Pour une part, ce nouveau nom de lâamour dĂ©signe quâĂ devenir lieu de circulation de lâobjet a, cela fait mur. Nâest-ce pas une maniĂšre de prĂ©server sa place au dĂ©sir, dans lâamour mĂȘme, si tant est que le dĂ©sir a toujours pour cause lâobjet vide, soudain incarnĂ© et non point, comme dans lâamour, lâĂȘtre dâun sujet ? Cette discordance nâest ni Ă rĂ©duire, ni Ă dialectiser. Elle doit ĂȘtre maintenue, comme telle La rĂ©duire signifierait quâon sacrifie le dĂ©sir au nom de l'amour, la dialectiser, quâon relĂšve la finitude du dĂ©sir par lâinfinitĂ© de lâamour. Dans les deux cas, on fait comme sâil nây avait pas de mur. Entre homme et femme, sâil y a amur, cela veut dire que le mur entre eux comme entre amour et dĂ©sir ne peut ĂȘtre aboli, mĂȘme si ce mur soutient lâobjet ou plutĂŽt sâil est trouĂ© par lâobjet. Mais, grĂące au mur et Ă lâobjet quelque chose peut passer, laissant ses chances Ă lâhypothĂšse dâun refleurissement de lâamour. En 1974, Lacan a insistĂ© sur le non-recouvrement des deux mi-dires qui se rencontrent par hasard dans lâamour. Il parle Ă ce propos de la connexitĂ© entre deux savoirs en tant quâils sont irrĂ©mĂ©diablement distincts... Câest non seulement irrĂ©mĂ©diable mais sans aucune mĂ©diation ... Quand ça se produit ça fait quelque chose de... tout Ă fait privilĂ©giĂ©. Quand les deux savoirs inconscients se recouvrent, ça fait un sale mĂ©li-mĂ©lo... »9 Pour reprendre un thĂšme cher Ă Alain Badiou, c'est un amour qui fait vĂ©ritĂ© de la disjonction ». Et Badiou d'ajouter Lâamour seul marque le Deux dans une sorte de dĂ©-prise de lâobjet qui nâopĂšre quâautant quâil y en a la prise... »10 Comment 8. On se souviendra de ses dĂ©clarations murales » lors de ses Entretiens de Sainte Anne, en 1971, intitulĂ©s Le savoir du psychanalyste. Entre ces murs asilaires bĂątis par la sociĂ©tĂ© capitaliste pour enfermer les cris » des psychotiques jugĂ©s dangereux voici que Lacan dit parler aux murs rĂ©flĂ©chissant sa voix. Une voix qui rĂ©sonne ». Mais Ă quelle RESON recourir pour ce dont il sâagit, Ă savoir du RĂ©el ? » A cette voix, support de lâobjet, quâon nâentend quâĂ partir de sa "rĂ©flexion" sur les murs? Ces murs oĂč la voix se cogne et fait des Ă©chos, sont par excellence â au delĂ des figurations quâon peut y tracer Ă partir des moisissures â supports de lâĂ©crit. La logique nâest-elle pas un discours qui se tient sur le mur » ? Devant le mur il y a la parole et le langage, au-delĂ du rĂ©el. 9. J. Lacan, Les non-dupes errent, inĂ©dit, sĂ©ance du 15 janvier 1974. 10. A. Badiou, Conditions, Paris, Seuil, 1973, p. 265. â 38 â La psychanalyse et la question de lâamour penser connexitĂ© » et disjonction » ? Question. On est ici, pourrait-on croire, assez loin de la thĂšse lacanienne qui fait de lâamour ce lieu oĂč sâignorerait le dĂ©sir dâĂȘtre Un, ce qui conduit Ă lâimpossible dâĂ©tablir la relation deux sexes ». En fait, il nâen est rien. Car dans cette contingence amoureuse mĂȘme â oĂč lâamoureux Ă©crivant ses lettres cesse un temps, de ne pas Ă©crire quelque chose du rapport sexuel, tandis quâil sâimagine quâil ne cessera jamais de lâĂ©crire â , lâamorce est conquise de ce qui doit sâachever Ă le dĂ©montrer ce rapport comme impossible, soit Ă lâinstituer dans le rĂ©el11. Câest donc par le biais de lâamour que lâimpossible deux du sexe est en fin de compte fondĂ© dans le rĂ©el. La lettre dâamour qui est dâabord contingente lorsquâelle perd le mirage de sa nĂ©cessitĂ©, lorsquâelle cesse de sâĂ©crire, permet alors de concevoir la chose amour comme possible. Câest que la magie de la rencontre amoureuse a cessĂ© non sans avoir ouvert la possibilitĂ© dâun itinĂ©raire pour la vĂ©ritĂ© quâelle celait. Nâest-on pas dĂšs lors introduit dans ce processus infini oĂč le savoir des rĂšgles de lâamour comme jeu toujours en train de sâinventer, de se construire, se dĂ©termine moins dâune position de supplĂ©ance au rapport sexuel que dâune activitĂ© inventive et vĂ©rifiante attestant de ce quâentre les deux sexes, il y a du rapport qui manque et que cela fait trou ? Câest donc bien lâamour comme invention qui fait preuve de lâimpossible deux du sexe, ce qui nâimplique pas, comme Lacan le souligne dans LâĂtourdit, quâil nây ait pas de rapport au sexe. Jâaurais encore voulu traiter du rapport de lâamour Ă la jouissance mais le temps ne le permet pas. En tout cas, on posera quâun savoir sur les rĂšgles passionnantes du jeu de lâamour, sans cesse inventĂ© Ă partir des dire vrais qui sourdent de lâimpossibilitĂ© dâĂ©crire le rapport sexuel, le savoir de ces rĂšgles peut construire et Ă©crire quelque chose de lâamour. Si bien que la question de Beckett que je vous donnais au dĂ©but demeure complĂštement notre contemporaine comment ĂȘtre sĂ©parĂ©-ensemble ? 11. J. Lacan, TĂ©lĂ©vision, Paris, Seuil, 1973, p. 62. â 39 â
Lucy Vincent, docteure en neurosciences et ancienne chercheuse au CNRS, Ă Paris, a consacrĂ© une partie de ses travaux au phĂ©nomĂšne amoureux. Elle a publiĂ© Ă©galement quantitĂ© de livres sur la question. Que se passe-t-il dans notre cerveau quand nous tombons en amour, comme disent les QuĂ©bĂ©cois? Est-ce notre corps ou notre cĆur qui est Ă la manĆuvre, sommes-nous libres finalement de choisir celui ou celle avec qui nous allons faire un bout de chemin ou sont-ce nos hormones et nos neurotransmetteurs qui dĂ©cident Ă notre place? Les rĂ©ponses sont parfois surprenantes et il semblerait sur un plan strictement scientifique que nous soyons moins libres quâon lâimagine au moment oĂč Cupidon bande son Comment explique-t-on que lâĂȘtre aimĂ© a toutes les qualitĂ©s?Les expĂ©riences dâimagerie du cerveau ont montrĂ© que lâamour romantique, comme lâamour parental dâailleurs, est caractĂ©risĂ© par une baisse dâactivitĂ© dans la partie du cerveau associĂ©e aux Ă©motions nĂ©gatives, au jugement des intentions et des Ă©motions de lâautre. Les parties du cerveau qui commandent le discernement seraient mises en veilleuse pour ne pas juger trop sĂ©vĂšrement celui ou celle destinĂ©e Ă faire un bout de chemin avec Lâamour est-il une drogue? Il faut savoir quâil y a un vĂ©ritable feu dâartifice de neurotransmetteurs qui se modifient durant lâĂ©tat amoureux. Celui-ci libĂšre des endorphines responsables du plaisir Ă ĂȘtre ensemble, mais induit Ă©galement de grands sauts dâhumeur au dĂ©but de la relation. On passe trĂšs vite de lâeuphorie au dĂ©sespoir pour peu que lâamoureuxse soit en retard, oublie lâanniversaire de votre rencontre, etc. LâĂ©lĂ©vation du taux de dopamine peut expliquer notre focalisation sur le partenaire et la tendance Ă voir en lui un ĂȘtre unique. Le problĂšme rĂ©side ensuite dans le fait que lâĂ©mission de dopamine et dâendorphines est liĂ©e en grande partie Ă la nouveautĂ©. AprĂšs un certain nombre de rencontres, on observe un tassement de lâeffet euphorisant. Lâamoureux est comme lâhĂ©roĂŻnomane, il a besoin dâune dose de plus en plus grande pour la libĂ©ration dâendorphines. Au fil du temps, chaque rencontre avec lâobjet de son amour provoquera une plus faible dĂ©charge de dopamine et la dose dâendorphines se rĂ©duira dâautant pour atteindre un niveau correspondant au bonheur de la vie rĂ©guliĂšre Ă deux. Plus monotone Ă©videmment. On appelle cet effet nouveauté» lâeffet Coolidge. Du nom de ce prĂ©sident amĂ©ricain qui, visitant un Ă©levage bovin avec son Ă©pouse, fut impressionnĂ© par un taureau qui insĂ©minait jusquâĂ 17 vaches par jour. Sa femme lui aurait dit Tu vois, 17 fois par jourâŠÂ» Ce Ă quoi il a rĂ©pondu Certes ma chĂšre, mais pas avec la mĂȘmeâŠÂ»3. Comment explique-t-on les unions qui durent? Pour ceux qui ont des projets de vie commune, vient alors le temps de faire lâapprentissage de la complicitĂ©. Avec lâaide dâune autre substance, lâocytocine, qui va permettre dâinhiber justement lâinstallation de la tolĂ©rance. Depuis les annĂ©es 1970, on sait que cette hormone ne se cantonne pas Ă la coordination de la naissance et de lâallaitement paradoxalement elle est produite par le corps des femmes au moment des contractions pour accĂ©lĂ©rer lâaccouchement mais intervient dans le cerveau pour provoquer les sentiments dâattachement nĂ©cessaires pour promouvoir la survie de lâ Quelle part jouent les odeurs dans la sĂ©duction? Les gĂšnes produisent toutes sortes de protĂ©ines qui ont une influence sur lâodeur du corps. Une bonne part de la communication inconsciente se fait par le systĂšme olfactif. On a pu constater, par exemple, une aversion olfactive dans les couples pĂšre-fille et frĂšre-sĆur, ce qui donne au sens de lâodorat une importance dans le refus de lâinceste. On comprend mieux aussi lâĂ©tonnement qui saisit souvent les amoureux au dĂ©but de leur histoire quand ils rĂ©alisent avoir les mĂȘmes goĂ»ts, par exemple adorer les navets! Mais câest justement le fait dâaimer tous les deux les navets qui explique quâils sont sĂ©duits mutuellement par lâodeur des navets mĂ©tabolisĂ©e dans lâodeur corporelle de lâautre. Non seulement parce que tous deux en mangent, mais ils surproduisent tous les deux lâenzyme qui digĂšre la cellulose du navet Ă cause dâun gĂšne commun. Lâodeur que vous trouvez irrĂ©sistible chez lâautre vous rappelle votre propre odeur. Chez la femme, il y a une plus grande sensibilitĂ© aux odeurs au moment de lâ Pourquoi ne les sent-on pas consciemment? Les neurobiologistes reconnaissent la liaison privilĂ©giĂ©e entre le sens olfactif et les fonctions inconscientes du cerveau grĂące, notamment, Ă un dispositif anatomique qui permet Ă lâinformation olfactive dâatteindre le cerveau qui sait, cognitif», par lâintermĂ©diaire de deux relais au lieu des trois requis habituellement pour tous les autres messages du systĂšme sensoriel. Les messages olfactifs sont envoyĂ©s directement dans les zones du cerveau liĂ©es aux Ă©motions. Il se passe entre deux personnes ce qui se passe avec les chiens, on se renifle sans sâen rendre compte. Ce nâest pas le seul ingrĂ©dient nĂ©cessaire Ă la naissance de lâamour mais câest un signal Quel est le rĂŽle exact de ces fameuses phĂ©romones dont on parle tant?On les trouve dans les urines, la transpiration, les selles ou sur la peau. Elles sont parfaitement inodores. Pour beaucoup dâespĂšces animales, elles rĂ©gulent tout ce qui concerne la vie en sociĂ©tĂ©. Certains chercheurs pensent que les phĂ©romones se libĂšrent aussi Ă travers le sĂ©bum. Et comme la plupart des glandes qui le sĂ©crĂštent sont au niveau du cuir chevelu, de la face, du cou et de la lĂšvre supĂ©rieure, il est possible que le baiser soit impliquĂ© dans lâĂ©change de messages phĂ©romonaux. Il y a une diffĂ©rence totale entre les voies suivies par les neurones phĂ©romonaux et les neurones olfactifs. Les premiers ont pour destination les zones hypothalamiques impliquĂ©es justement dans les fonctions hormonales et Le coup de foudre nâest quâune histoire de phĂ©romones? Combien de temps dure lâamour passion? Et y a-t-il un temps limitĂ© pour tomber amoureux? Câest en tout cas le comportement humain qui ressemble le plus Ă un phĂ©nomĂšne dâorigine phĂ©romonale oĂč on ne peut invoquer des paramĂštres dâordre intellectuel. Lâamour passion qui implique lâĂ©tat dâeuphorie dĂ©crit prĂ©cĂ©demment dure, selon les Ă©tudes scientifiques, entre dix-huit et trente-six mois. Dans une approche plus traditionnelle, oĂč lâon prend le temps de faire connaissance, on a calculĂ© que le temps mis Ă tomber amoureux nâexcĂšde gĂ©nĂ©ralement pas un mois. Le cerveau est alors en possession de toutes les informations nĂ©cessaires pour dĂ©clencher le processus amoureux. Si lâon nâest alors pas sensible aux stimuli chimiques de lâautre, la gentillesse, lâhumour ou lâintelligence ne suffiront pas. On se contentera peut-ĂȘtre dĂšs lors dâune simple Peut-on acheter un flacon de phĂ©romones sur internet pour augmenter ses chances de trouver lâĂ©lue de son cĆur? Non. MĂȘme si lâon sait que les chercheurs ont pu prouver la rĂ©alitĂ© de lâattraction des phĂ©romones mĂąles sur des femmes qui ont privilĂ©giĂ© les endroits oĂč elles avaient Ă©tĂ© dĂ©posĂ©es, mĂȘme si les paysans utilisent depuis longtemps des phĂ©romones dans la reproduction animale, il faut se mĂ©fier des publicitĂ©s qui promettraient de trouver le bonheur en achetant ce genre de Plus on se ressemble, plus on a de chance de rester ensemble, câest vrai? Oui. Contrairement Ă lâidĂ©e commune que les contraires sâattirent, on remarque chez les couples une tendance Ă choisir un partenaire qui a des similitudes physiques, culturelles et sociales. Les Ă©tudes scientifiques ont Ă©tĂ© faites Ă partir de constatations de mĂ©decins dans diffĂ©rents pays qui Ă©taient frappĂ©s du fait que nombre de couples prĂ©sentaient des mĂȘmes symptĂŽmes et se plaignaient des mĂȘmes maladies. On a mesurĂ© certains paramĂštres comme la taille des parties du corps, le mĂ©tabolisme, la personnalitĂ©, les facteurs de susceptibilitĂ© Ă certaines maladies psychiques, lâintelligence et le nombre dâannĂ©es passĂ©es Ă lâĂ©cole. Les couples se ressemblent bien plus que deux personnes prises au hasard dans la rue. Câest mĂȘme vrai pour des mesures comme le taux de cholestĂ©rol ou la pression sanguine. Et cette sĂ©lection des caractĂšres communs est antĂ©rieure Ă lâinstallation du couple dans la durĂ©e, elle sâobserve dĂšs sa crĂ©ation. En langage scientifique, on parle dâaccouplement assortatif. Certes, dâun point de vue biologique il peut paraĂźtre contre-performant que les couples se forment sur la base de caractĂšres ressemblants. La thĂ©orie de lâĂ©volution enseigne que plus les gĂšnes sont diffĂ©rents, plus on a de chances dâavoir des descendants en bonne santĂ©. Mais la nature est bien faite. Si on retient des traits de personnalitĂ©, de mĂ©tabolisme ou dâodeurs semblables aux nĂŽtres, il en va diffĂ©remment pour les gĂšnes liĂ©s Ă lâimmunitĂ© HLA. LĂ , câest lâodeur diffĂ©rente qui est soudainement irrĂ©sistible. Des tests dâodeur sur des t-shirts prĂ©sentĂ©s Ă 121 hommes et femmes ont montrĂ© que les sujets choisissaient le vĂȘtement dont lâodeur Ă©tait la plus Ă©loignĂ©e dâeux au niveau des gĂšnes Peut-on encore croire Ă notre libre arbitre? Câest peut-ĂȘtre un peu dĂ©plaisant Ă entendre, mais le libre arbitre est une illusion dans le domaine de lâamour. La neurobiologie nâexclut toutefois pas de reconnaĂźtre sa magie, son mystĂšre, le fait que câest un des plus grands bonheurs accessibles Ă lâhomme. Tous les effets ne relĂšvent pas dâun rĂ©flexe reproductif. Les mĂ©canismes neurobiologiques montrent aussi que lâamour romantique est bĂąti sur les mĂȘmes bases que lâamour entre un enfant et ses parents, et il semble bien que lâamour maternel fournisse un modĂšle de fonctionnement Ă deux qui sera notre prĂ©fĂ©rence pour toute la vie. Rien nâest jamais figĂ©. MĂȘme si les connexions entre les rĂ©seaux de neurones rĂ©pondent Ă des rĂšgles physiques, nous pouvons intervenir sur les paramĂštres de connexions. Le cerveau humain peut se modifier dâun instant Ă lâautre selon ce que nous en faisons et lâendroit oĂč nous sommes. Plus notre cerveau est nourri par des expĂ©riences, des lectures, du savoir concernant lâamour, plus notre marge de manĆuvre sâagrandit. Ce qui explique aussi que le charme et le talent jouent un rĂŽle dans la sĂ©duction, si lâon pense Ă quelquâun comme Serge Gainsbourg. La fonction centrale qui nous diffĂ©rencie des animaux est la capacitĂ© Ă nous raconter des histoires Ă partir des stimuli qui arrivent Ă notre cerveau dâanimal romantique. Lâhistoire dâamour reste lâun des patrimoines de lâhumanitĂ© les plus prĂ©cieux.>> Lire le tĂ©moignage de Nathalie et Steve>> * Pour en savoir encore plus Lâamour de A Ă XY», Comment devient-on amoureux?», Petits arrangements avec lâamour», trois ouvrages parus chez Odile Baumann PatrickpubliĂ© le 13 fĂ©vrier 2020 - 0911
Lâamour est un concept que bien peu de gens, Ă ma connaissance, maĂźtrisent ou du moins en maĂźtrisent le sens et lâessence. Le plus simple, pour rĂ©aliser cette vĂ©ritĂ©, câest de lancer le sujet de lâamour en sociĂ©tĂ© » Ă lâoccasion dâun repas ou dâune rĂ©union, peu importe. Vous verrez que, dans plus de 90% des cas, quand vous lancez le sujet, les gens y rĂ©pondent par le cas particulier de la relation de les avoir Ă©coutĂ©s, il suffit de leur poser la question TrĂšs bien, vous venez de me parler du couple ; mais quâen est-il de la relation parent-enfant, ou encore de la relation amicale ? Nâest-ce pas de lâamour ? » Ce qui devrait dĂ©boussoler votre interlocuteur qui finira inĂ©luctablement par bredouiller que câest pas pareil, etc. pour ne pas perdre la face. Et pourtant, la relation parent-enfant est basĂ©e sur un amour inconditionnel. La vĂ©ritable relation amicale cette introduction courte mais essentielle, nous pouvons rĂ©aliser quâavant de parler dâamour, il convient de dĂ©finir le mot amour » ou aimer. Lâamour est universel » nous dit-on dans le sillage dâun JĂ©sus Christ. Dâaccord, mais cela ne dĂ©finit pas le mot en question. Finalement, je pense que la bonne question Ă se poser, câest Quel est le point commun entre le couple, lâamitiĂ© et la filiation ? ». En clair, câest en cherchant ce point commun que nous pourrons Ă©ventuellement approcher une dĂ©finition plus juste du verbe aimer qui sâapplique Ă ces trois relations. Car oui, il y a bel et bien un point commun Ă ces trois cas particuliers. LĂ©o TolstoĂŻ il y a plus dâun siĂšcle a Ă©crit Aimer, câest accepter lâautre tel quâil est ». VoilĂ le point commun. Et donc, jâai tendance Ă penser que cette citation de TolstoĂŻ est la meilleure dĂ©finition Ă ce jour du verbe aimer ».Evidemment, toujours dans lâoptique de ne pas perdre la face » jây reviendrai plus tard, un certain nombre dâindividus rejetteront cette dĂ©finition en sâembarquant dans des explications plus ou moins confuses, compliquĂ©es et superfĂ©tatoires. Puis ils dĂ©clareront que la discussion ne les intĂ©resse pas, tenant impĂ©rativement Ă clore le sujet - mais en ayant le dernier mot, ça va de soi. Heureusement, dâautres interlocuteurs se montreront moins obtus et nous pourrons pousser la discussion avec eux dans une ambiance cordiale et de bon dĂ©finition tolstoĂŻenne, appliquĂ©e au couple montre quâil convient ainsi de ne pas se mĂ©prendre sur les motivations des deux protagonistes et de ne pas mĂ©langer les choses. Car le couple, câest compliquĂ©. Trois notions sâentrechoquent dans cette relation particuliĂšre et chacune de ces trois notions est indĂ©pendante de lâautre Le dĂ©sir, qui est Ă la base de toute relation sexuelle et dont le but conscient ou pas est la vivre ensemble est encore autre chose et dĂ©passe le dĂ©sir dans la mesure oĂč le couple qui sâinstalle ne fait pas que tenter de se reproduire mais chacun des deux protagonistes apprend Ă vivre 24/7 avec lâautre, ses tics et ses manies, mais aussi ouvre des sujets de discussion avec lâ enfin, tel que dĂ©fini dans le paragraphe prĂ©cĂ©dent. Sans respect ou tolĂ©rance, il ne peut y avoir dâ autant le dĂ©sir Ă©volue avec le temps, autant le vivre ensemble peut devenir compliquĂ© voire difficile, autant lâamour, lui, nâest pas Ă gĂ©omĂ©trie variable et est le seul Ă©lĂ©ment constant de la relation, vĂ©ritable point dâancrage. Evidemment, le dĂ©sir rend aveugle, des deux cĂŽtĂ©s. Et quand il sâĂ©mousse, beaucoup de couples rĂ©alisent que, dans les faits, ils ne sâaiment plus, certaines personnes, faisant lâamalgame entre amour et couple dâune part, entre amour, vivre ensemble et dĂ©sir dâautre part, ont bien du mal Ă comprendre ce qui a bien pu se passer pour en arriver au divorce ou Ă la la mĂ©connaissance de lâamour qui en est le principal responsable. Avoir peur de perdre la face » dans cette situation est un terrible aveu de faiblesse, une sorte dâarmure de protection dans le but de se protĂ©ger et de se prĂ©server suite Ă cet pour ce premier chapitre, jâespĂšre quâil vous aura plu et Ă bientĂŽt pour la suite dans le chapitre Psychanalyse ».Alain CrĂ©mades
c est quoi l amour en psychanalyse